La survenue d’une infection nosocomiale entraine la mise en œuvre de deux régimes juridiques distincts. La responsabilité des professionnels de santé est soumise à la démonstration d’une faute, quand celle des établissements de santé est une responsabilité de plein droit. En effet, aux termes de l’article L. 1142-1, I° du code de la santé publique (CSP), « les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ».
La responsabilité de plein droit des établissements de santé est issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité de système de santé, dite « Loi Kouchner ». Elle répond au souci du législateur de favoriser l’indemnisation des patients subissant une infection nosocomiale, la preuve de la réalité de l’infection et de son caractère nosocomial étant extrêmement difficile à rapporter.
La responsabilité de plein droit des établissements de santé est issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité de système de santé, dite « Loi Kouchner ». Elle répond au souci du législateur de favoriser l’indemnisation des patients subissant une infection nosocomiale, la preuve de la réalité de l’infection et de son caractère nosocomial étant extrêmement difficile à rapporter.
Les notions d’établissement et de service d’un établissement
L’article L. 1142-1 précité vise les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins. La notion d’établissement n’étant pas définie, la Cour de cassation s’est saisie de cette question une première fois en 2012 à l’occasion d’un litige impliquant une société civile de moyen (SCM), pour estimer que la structure de cette société avait pour seul objet de faciliter l’exercice de la profession par chacun de ses membres et ne répondait donc pas à la définition d’un établissement.
La Cour de cassation a toutefois précisé qu’en assurant, de manière exclusive, l’ensemble des besoins de la clinique en matière de radiologie courante, une SCM devait être considérée comme le service de radiologie de la clinique. Aussi, la SCM étant un service de la clinique rattachée à son activité, la responsabilité de la clinique était engagée de plein droit au regard de la survenue de l’infection nosocomiale (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2012, n°11-17.072, voir également Cass. civ. 1ère, 12 octobre 2016, n°15-16.894).
La Cour de cassation a toutefois précisé qu’en assurant, de manière exclusive, l’ensemble des besoins de la clinique en matière de radiologie courante, une SCM devait être considérée comme le service de radiologie de la clinique. Aussi, la SCM étant un service de la clinique rattachée à son activité, la responsabilité de la clinique était engagée de plein droit au regard de la survenue de l’infection nosocomiale (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2012, n°11-17.072, voir également Cass. civ. 1ère, 12 octobre 2016, n°15-16.894).
Une évolution de la notion de service d’un établissement
Par un arrêt récent, la Cour de cassation a fait évoluer les critères lui permettant de qualifier une société de service d’un établissement (Cass. civ. 1ère, 10 novembre 2021, n°19-24.227).
En l’espèce, un patient ayant effectué en août 2010 un arthroscanner au sein d’un centre d’imagerie, structure organisée en société à responsabilité limitée (la « Société d’imagerie »), a contracté une infection nosocomiale. Après avoir sollicité une expertise en février 2011, le patient a mis en cause le praticien, la Société d’imagerie et la CPAM afin d’obtenir la réparation de ses préjudices, puis dans un second temps la clinique au sein de laquelle se situait la Société d’imagerie.
Saisie une première fois en 2018, la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel de Bastia pour avoir condamné solidairement la clinique et son assureur à la réparation des préjudices subis par le requérant, pour des moyens procéduraux tirés de la violation du principe du contradictoire consacré à l’article 16 du code de procédure civile (Cass. civ. 1ère, 12 septembre 2018, n°17-19.954 ; CA Bastia, 22 février 2017, n°15/00360).
Aux termes d’un arrêt du 12 septembre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, désignée comme juridiction de renvoi pour trancher ce litige par la Cour de cassation, a déclaré la Société d’imagerie seule responsable des conséquences dommageables subies par le patient, à l’exclusion de la clinique mise hors de cause (CA Aix-en-Provence, 12 septembre 2019, n°18/19229).
La Société d’imagerie a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, estimant ne pas relever du champ d’application de l’article L. 1142-1, I° du CSP, c’est-à-dire ne pas être un « établissement » eu égard à son objet social relatif à « l’exploitation, l’achat, la vente et la location de matériel d’imagerie médicale », portant donc uniquement sur l’acquisition en commun du matériel nécessaire à l’exercice de la profession de radiologue par ses membres.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
En premier lieu, elle a estimé que la Société d’imagerie ne répondait pas à la définition d’établissement, précisant à cet égard que ces derniers sont tenus de « de mettre en œuvre une politique d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'organiser la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l'iatrogénie », mission qui ne relève pas des sociétés professionnelles dont l’objet est la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l'exercice en commun de ces professions.
En second lieu, la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel avait procédé à un examen insuffisant du lien de dépendance entre la clinique et la Société d’imagerie. En effet, la Cour d’appel a estimé que la Société d’imagerie ne pouvait être qualifiée de service de la clinique puisque cette dernière « exerce son activité dans une indépendance certaine vis-à-vis de de la clinique et dans des locaux propres loués à une personne tierce, qu'elle dispose de ses propres circuits d'approvisionnement des dispositifs médicaux stériles, personnel de nettoyage, protocoles d'asepsie et matériel de radiologie, que, si le scanner est mis à disposition de tous les praticiens intervenant au sein de la clinique selon un protocole fixant des règles destinées à faciliter le fonctionnement de la coopération entre la société et la clinique, les praticiens peuvent adresser leurs patients à d'autres établissements, en l'absence d'exclusivité au profit de la société ».
Or, la Cour de cassation a estimé que la juridiction d’appel n’était pas allée assez loin dans son appréciation et aurait dû rechercher « s'il ne résultait pas du protocole conclu entre les parties pour le fonctionnement du service du scanner que la société était tenue d'assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d'un planning de gardes et d'astreintes des radiologues et manipulateurs et constituait à ce titre le service de scanner de l'établissement de santé ».
La jurisprudence de la Cour de cassation a donc évolué, la notion de permanence des soins et partant la mission de service public assurée par des sociétés professionnelles prenant le pas sur les seuls critères de dépendance matérielle de ces dernières.
En l’espèce, un patient ayant effectué en août 2010 un arthroscanner au sein d’un centre d’imagerie, structure organisée en société à responsabilité limitée (la « Société d’imagerie »), a contracté une infection nosocomiale. Après avoir sollicité une expertise en février 2011, le patient a mis en cause le praticien, la Société d’imagerie et la CPAM afin d’obtenir la réparation de ses préjudices, puis dans un second temps la clinique au sein de laquelle se situait la Société d’imagerie.
Saisie une première fois en 2018, la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel de Bastia pour avoir condamné solidairement la clinique et son assureur à la réparation des préjudices subis par le requérant, pour des moyens procéduraux tirés de la violation du principe du contradictoire consacré à l’article 16 du code de procédure civile (Cass. civ. 1ère, 12 septembre 2018, n°17-19.954 ; CA Bastia, 22 février 2017, n°15/00360).
Aux termes d’un arrêt du 12 septembre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, désignée comme juridiction de renvoi pour trancher ce litige par la Cour de cassation, a déclaré la Société d’imagerie seule responsable des conséquences dommageables subies par le patient, à l’exclusion de la clinique mise hors de cause (CA Aix-en-Provence, 12 septembre 2019, n°18/19229).
La Société d’imagerie a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, estimant ne pas relever du champ d’application de l’article L. 1142-1, I° du CSP, c’est-à-dire ne pas être un « établissement » eu égard à son objet social relatif à « l’exploitation, l’achat, la vente et la location de matériel d’imagerie médicale », portant donc uniquement sur l’acquisition en commun du matériel nécessaire à l’exercice de la profession de radiologue par ses membres.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
En premier lieu, elle a estimé que la Société d’imagerie ne répondait pas à la définition d’établissement, précisant à cet égard que ces derniers sont tenus de « de mettre en œuvre une politique d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'organiser la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l'iatrogénie », mission qui ne relève pas des sociétés professionnelles dont l’objet est la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l'exercice en commun de ces professions.
En second lieu, la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel avait procédé à un examen insuffisant du lien de dépendance entre la clinique et la Société d’imagerie. En effet, la Cour d’appel a estimé que la Société d’imagerie ne pouvait être qualifiée de service de la clinique puisque cette dernière « exerce son activité dans une indépendance certaine vis-à-vis de de la clinique et dans des locaux propres loués à une personne tierce, qu'elle dispose de ses propres circuits d'approvisionnement des dispositifs médicaux stériles, personnel de nettoyage, protocoles d'asepsie et matériel de radiologie, que, si le scanner est mis à disposition de tous les praticiens intervenant au sein de la clinique selon un protocole fixant des règles destinées à faciliter le fonctionnement de la coopération entre la société et la clinique, les praticiens peuvent adresser leurs patients à d'autres établissements, en l'absence d'exclusivité au profit de la société ».
Or, la Cour de cassation a estimé que la juridiction d’appel n’était pas allée assez loin dans son appréciation et aurait dû rechercher « s'il ne résultait pas du protocole conclu entre les parties pour le fonctionnement du service du scanner que la société était tenue d'assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d'un planning de gardes et d'astreintes des radiologues et manipulateurs et constituait à ce titre le service de scanner de l'établissement de santé ».
La jurisprudence de la Cour de cassation a donc évolué, la notion de permanence des soins et partant la mission de service public assurée par des sociétés professionnelles prenant le pas sur les seuls critères de dépendance matérielle de ces dernières.
Conclusion
Cette décision a le mérite de protéger les droits des patients, la notion extensive de service d’un établissement leur permettant d’engager la responsabilité de plein droit d’un établissement quand bien même l’origine de leur infection nosocomiale résulterait d’un acte de soins réalisé par un praticien exerçant dans le cadre d’une société professionnelle. Elle doit en outre attirer la vigilance des établissements de santé dans la mise en place des liens contractuels avec desdites sociétés.
Article publié dans l'édition de décembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.
Article publié dans l'édition de décembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.